Valérie Dumange rédaction web - plume

Épisode 15 : Portrait d’une libraire

par | 10-08-22 | Roman en cours | 0 commentaires

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Portrait d’une libraire libre comme l’air

Mon nom est Odette, mais pas la Odette Toulemonde d’Éric Emmanuel Schmitt. Non, je ne couds pas le soir venu des plumes sur des costumes. Par contre, comme elle, j’ai trouvé mon Balthazar Balsan.

Je lui dois ma « positive attitude », bien avant le hit des années 2000 ou les émules en développement personnel avec leurs milliers de bouquins vendus dans toutes les langues.

Mon Pierre n’est pas Loti, encore moins le fictif Balsan, mais comme l’un et l’autre, il est écrivain. Baroudeur, il a roulé sa bosse, sans être un Quasimodo. Lui, c’est plutôt du genre ténébreux aux yeux clairs, la barbe de trois jours depuis toujours et les cheveux en bataille. L’âge n’a aucune prise sur son charme.

Voyageur et illustrateur, il dépose sa prose et ses images sur des carnets, qui font avec lui le tour du monde. Notre Titouan est né il y a 22 ans. Il est arrivé, comme son père, par enchantement et il est, quant à lui, bien arrimé à sa mère.

Mon marin d’eau douce trouve le repos sur 120 m² au milieu d’un peu plus de 45 000 références, y compris les siennes au rayon « Récits de voyage » sous son vrai nom, Pierre Chanvrin. Je suis son port d’attache entre chaque voyage.

Il n’a de commun avec mon premier époux que la terminaison de son patronyme. Il ne connait ni calculs ni cynisme. Seuls ses mots et sa peau m’ont ensorcelée.

Comme toute amoureuse, je pourrais parler de lui des heures durant (quand lui ne dira pas un mot). L’histoire d’Odette et Pierre n’était pas écrite, mais qui sait… un jour peut-être…

En l’attendant, consciente des sirènes qui l’entourent, mais confiante, j’empile les années comme les livres sur mes étagères. J’ai l’âge de la retraite, mais n’y suis pas encore… je n’y tiens pas vraiment. Comment supporter le goût amer et la nostalgie d’une vie passée et révolue alors qu’elle est inachevée ?

Depuis trente ans ma boutique est ma maison et ma maison ma boutique. Je veille sur mon empire en imprimé offset. Dans mon royaume où se côtoient romans, poèmes, polars, albums jeunesse, bd, essais… je suis toujours la première et la dernière à les saluer.

Cinq jours sur sept, de 9 h à 19 h (c’est écrit sur ma porte, celle avec la clochette qui tinte quand on rentre), je reçois… sans jamais me départir de mon sourire.

J’accueille entre mes murs des auteurs… en carton… 43 par 30 et parfois en chair et en os, des enfants enjoués et curieux, des ados en tous genres : dépenaillés, gothiques, sportifs, chics, banals, timides, bruyants… avec ou sans spleen, des parents dépassés ou exigeants, des élégantes, des mystérieux, des incognitos, des commerciaux (prêts à tout pour me refiler leur camelote), des retraités impatients, des flâneurs charmants, des enthousiastes communicatifs, des déterminés pressés, des bavards ou des taiseux… Il y a de tout chez « Colette et compagnie », l’unique librairie indépendante de Palinier.

Ce que je préfère ? Ce sont les fermetures, la solitude du devoir accompli et le calme retrouvé après les heures de pointe. J’exagère, on n’est pas à la Fnac ici ! Cependant, il m’arrive tout de même, non pas d’être emportée par la foule, mais par le tumulte des demandes de dernière minute.

Les samedis sont les plus florissants : pluvieux, les plus hardis viennent se protéger de l’humidité ; froids, les téméraires entrent pour se réchauffer et par temps de canicule, les souffreteux apprécient la climatisation bienvenue. Détendus, ils finissent toujours par se faire plaisir d’un poche ou d’un grand format.

Le sixième et septième jour, il n’est pas rare que je descende de mon appartement par l’escalier intérieur. Secouée par un besoin irrépressible, toutes lumières éteintes, je contemple à tour de rôle mes livres chéris, les effleure, les feuillète, les respire, puis caresse intensément le dernier Chanvrin.

Les bras chargés du poids des derniers arrivants, je remonte jusqu’à mon salon ou mon lit avec l’espoir de les lire pour mieux les vendre. Cause perdue d’avance. Il y en a trop. Trop de nouveautés, trop de genres, même certains que je n’aime pas du tout, mais qu’il me faudra pourtant vendre.

Alors, je suis le mouvement. Je mets en avant les best-sellers, les Français et les autres qui cartonnent, les meilleures ventes assurées, les page-turners… ceux qui font tourner ma boutique. Pas d’états d’âmes, pas de sélection drastique, pas d’élitisme littéraire. Ça, c’est bon pour la famille Mourin.

La culture, quoiqu’Hubert et Yvonne en disent à un prix. Celui de ma liberté et de mon indépendance, celui qui me permet de vivre de mon commerce. Malheureusement, en ces temps difficiles, le loisir de lire (puisque c’est ainsi que mes clientes perçoivent les livres) passe bien après un caddy pour nourrir la famille. Je résiste tant que je peux.

Des hauts et des bas, j’en ai connu dans ma vie personnelle et professionnelle. Je me suis toujours relevée. Mais là, je perds pied. J’ai tenté l’internet, un site et les réseaux. Je ne m’y fais pas. J’ai abandonné. Je n’ai ni l’envie ni l’âge. Une bouteille à la mer sans lendemain en ce qui me concerne. J’ai cédé ma place à Claire, trentenaire épanouie, mon unique salariée et très certainement mon futur « repreneur ».

Le bouche-à-oreille a toujours été mon atout. Sans me vanter, ma disponibilité et ma sympathie ont fait mon succès, évidemment ma devanture et le charme de ma boutique, tout autant.

Les lecteurs aiment trouver de quoi se rassasier, découvrir des auteurs de derrière les fagots, écouter des conseils avisés, vibrer à la lecture de la quatrième de couverture et échanger sur leurs goûts, alors je me mets à leur diapason.

L’essentiel est qu’ils repartent comblés de ce qu’ils sont venus chercher. Les sacs chargés de gourmandises livresques et enchantés, ils finissent par revenir un jour ou l’autre. Ce sont eux qui font vivre ma librairie. Parce que voyez-vous la culture, ça se vend et s’achète, dans le meilleur des cas, ça s’offre !

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