Episode 4 : La surprenante réponse de Claude

Très chère Madame,

Permettez-moi de me présenter à vous en toute sincérité pour écarter tout malentendu dès notre première rencontre manuscrite.

Claude, 72 ans, retraité, veuf homosexuel (ce n’est pas un coming-out comme disent les plus jeunes générations, juste une information factuelle pour éliminer toute ambiguïté), désireux d’entretenir une correspondance dense de curiosités livresques ou autres (succulentes, pourquoi pas, voyages, films, félins ou animaux domestiques… ce qui pourrait nous passer par l’esprit et par la main !)

Je ne sais pas vous, mais moi j’ai une fâcheuse tendance à l’oubli, surtout concernant mes lectures (et parfois même dans la vie de tous les jours). Ce n’est pas très flatteur pour moi et peut-être même peu encourageant pour la suite, mais autant vous l’écrire mes émotions sont de courtes durées et difficilement transmissibles.

Comme vous je crois, je lis beaucoup (matin, midi et soir), le privilège de la retraite.

J’aime et je dévore. Je ne trouve pas de points d’ancrage et je raccroche.

Mais de l’un ou l’autre, j’oublie tout. Je n’ai donc pas de repères littéraires, pas de citations en tête pour épater mes amis. Je suis rapidement vide du livre que j’ai pourtant englouti avec plaisir.

Problème de mémoire, de fixation… je ne sais l’expliquer et cela dure… depuis toujours.

Vous parlez de mes lectures d’adolescent complexé et solitaire, je ne pourrai pas, même en reprenant le livre dans les mains. Évoquer celles à mi-chemin de ma vie, pas davantage. Par contre, échanger sur le livre du moment, je devrais pouvoir le faire. Il me faudra prendre des notes.

Constance, si je vous écris sous le couvert de vous parler lectures, c’est parce que ma solitude me pèse et qu’écrire (comme lire) me la fait oublier.

Je vais à la médiathèque tous les jeudis après-midi et je regarde régulièrement le panneau des annonces, jamais auparavant je n’en avais lu une aussi surprenante que la vôtre. Elle a éveillé une émotion sincère que j’essaie tant bien que mal de vous exprimer rapidement avant qu’elle ne m’échappe !

J’aime le charme désuet de la correspondance et espère vous lire prochainement.

Cordialement,

Claude

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