Valérie Dumange rédaction web - plume

Épisode 19 : Déjeuner entre amies

par | 19-08-22 | Roman en cours | 0 commentaires

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Déjeuner entre amies chez Constance

Alors que le dimanche s’annonçait radieux, la pluie s’est abattue sur Lubac à une vitesse vertigineuse vers midi. Heure à laquelle Karine devait se rendre chez Constance.

Les plans de la maîtresse de maison s’en trouvèrent modifiés. Il n’y aurait pas de déjeuner sous la tonnelle pour aujourd’hui…

 

— Vite, rentre, il pleut tant ! Je ne m’attendais pas à un tel orage.

— Bonjour, Constance, je suis partie de Palinier sous une pluie fine et me voilà arrivée à Lubac sous un torrent d’eau !

— Oh, désolée, bonjour, Karine, j’en oublie la politesse. Donne-moi ton imperméable que je le fasse sécher dans la buanderie. Je reviens, installe-toi dans le salon, fais comme chez toi.

— Oui, merci.

 

Karine, comme à chaque fois qu’elle pénétrait dans cette maison se sentit mal à l’aise. Pourtant, Paul et Constance avaient réussi à conserver le charme de cette imposante bâtisse du XIX°, tout en y apportant le confort et la modernité du XXI°.

Pendant plus de dix ans, ils s’étaient épuisés à la rénover au prix de sérieux sacrifices, mais le jeu en valait la chandelle. Le résultat était au rendez-vous, un corps de ferme aux airs de bastide. Tout ce que Karine aimait lorsqu’elle se rendait chez sa sœur Annabelle en Provence.

Mais pourtant, à l’instant où elle pénétra dans le salon, un frisson lui parcourut l’échine. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, elle avait l’impression de ne pas y être seule. L’arrivée de Constance brisa la glace et elle reprit ses esprits.

— Me voilà. Alors, comment vas-tu ? Je ne veux pas remuer le couteau dans la plaie, mais ça se passe comment à la médiathèque ?

— Chacun a repris ses habitudes. Ne t’inquiète pas pour cela. Ce n’est rien. J’ai déjà oublié, le blâme et l’envie de démissionner. Quant à Yvonne, je l’évite. J’ai accédé à sa demande. Elle est très occupée avec le réaménagement de l’espace dédié au Club de lecture, que tu ne verras malheureusement pas. Tu vas louper quelque chose !! Argh, n’en parlons plus ! C’est du passé.

— Comme tu veux… mais je suis vraiment gênée. Cette annonce était une pure idiotie. Mais tu as raison, oublions. Une coupe de champagne, pour me faire pardonner ?

— Tu n’as rien à te faire pardonner. C’est moi, qui t’ai proposé d’épingler cette annonce, qui n’avait rien de stupide. D’ailleurs, elle t’a permis de rencontrer Claude et Becky. Mieux encore de quitter la médiathèque ! Allons-y pour une coupe pour fêter cela !

— Trinquons à… l’amitié !

— À l’amitié ! … hum, j’avais oublié le goût des bulles. Très bon. Merci.

— Avant la maladie de Paul, nous organisions un repas un dimanche par mois avec nos amis proches. C’était notre petit rituel. Une fois chez l’un, une fois chez l’autre. Paul aux fourneaux et moi à l’intendance ! Nous étions très organisés… son côté comptable. Les courses le samedi matin au marché et les premiers préparatifs dès l’après-midi. Rien n’était laissé au hasard avec Paul, tu sais !

— Comme ça doit te manquer ! Je veux dire toutes ses occupations, rencontres et discussions… Excuse-moi, c’est ridicule comme réflexion.

— Non, du tout, de toute façon avec la pandémie, nous ne pouvions plus inviter personne. Je pense que ça ne nous a pas aidés. Que dis-tu de poursuivre à table ? Le champagne me monte déjà à la tête.

Karine comprit la gêne soudaine de son amie, qu’elle avait provoquée et son besoin de passer à autre chose. Les deux amies se dirigèrent donc vers la salle à manger. Une table, préparée avec soin et harmonie les attendaient.

Rien ne manquait : le bouquet d’Hortensias bleus, les assiettes en porcelaine aux teintes bleues Majorelle et les couverts assortis rehaussaient nappe et serviettes blanches. Karine s’émerveilla devant tant de beauté et de délicatesse. Elle complimenta Constance pour son goût. Cette dernière s’empourpra. Il était loin le temps des compliments…

Le gaspacho de tomates du jardin, relevé d’ail, de basilic et d’un filet d’huile d’olive raviva chez Karine de magnifiques souvenirs de vacances dans le sud, qu’elle partagea avec Constance. Bientôt, elle irait rejoindre sa famille pour trois semaines. Puis, ne tenant plus, curieuse de savoir ce qui se tramait chez « Colette et Cie », elle l’interrogea sur son amitié avec Odette. En réalité, elle la connaissait si peu.

— Ah, Odette, c’est une longue histoire ! Tu sais qu’elle est beaucoup plus jeune que moi ! Cinq ans de moins !

— Ah oui, je lui donnais à peine cinquante ans et d’ailleurs je me demandais si Hubert l’avait épousée au berceau ! Connaissant son penchant pour la jeunesse…

— En effet, elle était plus jeune que lui, mais disons, que lui… euh… a toujours fait beaucoup plus vieux ! Oh, les langues de vipères que nous sommes ! Elle avait à peine vingt ans, quand ils se sont rencontrés. Étudiante, elle se rendait régulièrement à la bibliothèque… et lui y travaillait déjà.

Il avait sept ans de plus qu’elle, beau comme un dieu, selon Odette évidemment, moi, je ne m’en rappelle pas du tout. De toute façon, à cette époque, j’étais mariée et je travaillais déjà. Je n’avais pas vraiment le temps de me rendre à la bibliothèque. Et puis, ce n’était pas aussi démocratisé que maintenant…

Il est rentré par la petite porte, si j’ose dire, et il a fait le chemin que l’on sait. Odette, malgré son ressentiment, lui reconnaît beaucoup d’investissements et de travail pour gravir les échelons. C’est tout à son honneur. Il avait de l’ambition. On ne peut pas lui reprocher cela. Je crois qu’il voulait être à la hauteur d’Odette, si fine d’esprit, si brillante… à tous niveaux !

Bref, ils se sont aimés dès le premier regard et aujourd’hui, ils se détestent autant qu’ils se sont aimés ! Mariée à 22 ans et divorcée à 35, Odette a beaucoup souffert, surtout de ses infidélités. Les disputent étaient fréquentes. Dès le début, qui plus est. Mais tout ça, je l’ai su bien plus tard !

— Ah, bon ?! Quelle aventure, dis-moi ! Je suis rentrée à la bibliothèque à 22 ans quand j’ai eu mon concours. Et il était déjà avec Yvonne, donc j’ai eu davantage d’échos de leur vie de couple à eux. En plus, Odette refusait systématiquement toutes mes invitations pour les salons que j’organisais. Mais je comprends mieux pourquoi. Mais alors, comment êtes-vous devenues amies ?

—  C’est à l’occasion du décès de sa mère en 2002.

— Tiens, tiens, l’année de mon arrivée à Palinier !

— Ah, oui !

— Tu connaissais sa mère ?

— Oui, je l’ai connue sur les bancs de l’école. Colette était mon institutrice, ici, à Lubac, dont nous sommes toutes trois, Odette, Yvonne et moi, originaires. Mais avec cinq ans d’écart. Nous nous sommes à peine croisées. J’étais en CM2 quand elles rentraient en CP. Tu imagines bien que je n’en ai aucun souvenir !

C’est lors de l’enterrement de Colette que j’ai reconnu Odette. Non pas l’Odette du CP, mais l’Odette de la librairie. À l’époque, nous habitions dans un appartement, non loin de sa librairie à deux pas du centre-ville. Je m’y rendais régulièrement et on avait commencé à sympathiser.

Je ne connaissais que son prénom, pas très courant, mais je n’avais pas fait le rapprochement avec la fille de mon ancienne institutrice. Lorsque ma mère m’a appris son décès, ça m’a fichu un coup. Alors en souvenir de tout ce qu’elle nous avait appris, j’ai décidé d’accompagner maman à son enterrement. Et c’est là que j’ai découvert mon Odette de la librairie en pleurs, prostrée devant le cercueil.

— Odette, c’est pas un peu vieux comme prénom pour l’époque ?

— Oui, un peu, surtout pour les nouvelles générations ! D’ailleurs Odette déteste son prénom. Elle dit que c’est le plus ringard de la famille. Mais sa mère voulait un prénom qui se rapproche du sien. Une lubie, parait-il pour la naissance de son dernier enfant ! Elle pensait à Everett ou encore Averell pour un garçon.

— Comme l’un des Dalton ?

— Oui, elle était fan de la bande dessinée.

— Je n’en reviens pas ! C’est si vieux que ça, les Dalton ?

— Faut croire ! Je ne suis pas très BD. Pour les ainés, elle a été beaucoup plus conventionnelle : Philippe et Florence !

— Je ne sais pas pourquoi, je l’imaginais fille unique.

— Elle est un peu sauvageonne au premier abord. Mais c’est la plus sympathique des trois enfants.

— Tu connais toute la famille ?

—  En quelque sorte. Philippe était dans ma classe toutes les années d’école. Le plus beau garçon du village ! Je crois que toutes les filles de Lubac sont tombées amoureuses de lui, moi y compris ! Florence, de deux ans la cadette était une véritable chipie. Puis Odette est arrivée trois ans après Florence. Plus personne ne vit ici depuis longtemps. Au décès de leur mère, la maison a été vendue.

— Et son père ?

— Il a disparu bien trop jeune. Accident de voiture, comme mes parents.

— Oh, j’ignorais pour tes parents, pardon.

— Tu ne pouvais pas deviner. C’était il y a longtemps. C’est pour ça que je suis revenue habiter ici avec Paul. Je ne voulais pas vendre cette maison, alors qu’à 18 ans j’aurais donné n’importe quoi pour la quitter. Les affaires étaient déjà closes depuis quelques années. Mon père avait revendu ses quelques terres très convoitées. Et mes parents jouissaient enfin d’une retraite bien méritée.

Puis un matin, en allant au marché de Palinier, mon père a fait un infarctus. Perte de contrôle du véhicule, embardée, tonneaux. Ils sont décédés sur le coup, m’a-t-on dit. Paul a géré, j’en étais incapable. Dévastée, je ne pouvais décemment pas vendre le fruit de leur travail et des parents de mon père avant eux. Alors, on a vendu l’appartement et on a commencé les travaux…

— Et avec Odette, alors ? Comment êtes-vous devenues copines ?

— Ça s’est fait petit à petit. Elle m’a reconnu au cimetière, quand je suis allée lui présenter mes condoléances. Quinze jours plus tard, je suis retournée à la librairie. Elle m’a demandé comment je connaissais sa mère et je lui ai raconté à peu de choses près ce que je viens de te dire. Elle m’a proposé de monter à l’étage boire un thé.

On a commencé par parler de Lubac, puis de l’école, de son frère, évidemment, un peu moins de sa sœur, dont elle n’est pas très proche. De fil en aiguille, elle m’a dévoilé sa vie. Je crois qu’elle avait besoin de parler et il se trouve que je suis arrivée à ce moment-là.

Entre souvenirs joyeux et larmes, le temps s’est écoulé sans que l’on s’en rende vraiment compte, puis Pierre est arrivé avec Titouan dans les bras. Je me suis alors éclipsée. Après, je suis revenue toutes les semaines. On parlait toujours autant, parce que je suis depuis toujours la reine du bavardage !

Je lui prenais Titouan de temps en temps. J’étais aux anges. Je savais que c’était fichu pour moi. Et quand, j’ai perdu mes parents à mon tour quelques années plus tard, elle a été là pour moi.

— J’ignorais qu’elle avait un mari et un fils. Parfois, elle me donne l’impression d’être une vieille fille, un peu comme moi !

— Oh, comme tu es sévère pour toi comme pour elle ! Elle en a bavé et elle s’est créé une sorte de carapace. Pierre est toujours par monts et par vaux. Elle a pratiquement élevé son enfant seule. Et puis, tu sais, ce n’est pas facile tous les jours avec la librairie. Elle compte beaucoup sur Claire, sa salariée. D’ailleurs, elle a espoir qu’elle rachète la boutique et même l’appartement.

—  J’imagine que ça ne devait pas être facile. C’est vrai que ce n’est pas chez elle que j’achète des livres à offrir et quand je veux lire, je n’ai qu’à me servir à la médiathèque !!!

Figure-toi que j’avais pensé à devenir libraire avant de passer le concours, mais je n’avais pas d’argent pour acheter un fonds de commerce. Maintenant, pour survivre, il faudrait qu’elle pense à se diversifier un peu, comme intégrer une partie salon de thé par exemple. Ça se fait beaucoup.

— Tu ne crois pas si bien dire ! Mais pour Palinier, ce n’est même pas la peine d’y penser. Becky vient de m’apprendre que Marie-Jeanne, sa patronne avait l’intention d’ouvrir aussi tous les après-midis une partie de son restaurant en salon de thé !

— Non, zut ! C’est vrai que Becky travaille pour l’été « Au bord de l’eau ». Remarque, Marie-Jeanne aurait tort de ne pas en profiter, ses pâtisseries sont à tomber par terre. Elle a dû changer de pâtissier après le Covid. Je sais qu’elle a été lâchée par quelques-uns de ses salariés.

— Je n’ai pas encore eu l’occasion d’y retourner. Becky m’a écrit que Marie-Jeanne recherchait un autre serveur en renfort pour l’été. J’avais complètement oublié ! Tu me donnes une minute !

— Oui, je t’en prie.

À suivre…

 

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