Valérie Dumange rédaction web - plume

Épisode 17 : Amertume

par | 11-08-22 | Roman en cours | 0 commentaires

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Amertume

 

Le bonheur est dans l’amertume.

Jules Renard (Journal)

 

Cher Claude,

À peine nous rencontrons-nous, que vous vous éloignez déjà. Que d’amertume ! Pourquoi une telle précipitation au voyage ? Que faites-vous de la douceur de vivre de notre bonne ville de Palinier et de ses alentours ?

Ne sont-ils pas prompts à vous ravir, que vous les quitter pour vous distraire dans d’autres contrées ?

Je vous taquine. Il est vrai que malgré le temps estival idyllique, le décor reste le même : plat et d’une monotonie sans égal.

J’aurais moi-même aimé partir, me dégourdir les jambes et surtout l’esprit. Mais détestant les bains de foule, je préfère attendre le calme de l’arrière-saison.

Une fois que chacun aura retrouvé ses pénates, je partirai, emportant contrairement à vous, papier à lettres et stylo plume. Je fuirai ainsi la rentrée et la frénésie qui l’accompagne.

Bien décidée à me ressourcer, j’ai organisé mon voyage en bord d’océan pour de longues marches vivifiantes et de magnifiques couchers de soleil depuis les hauteurs des dunes. Pas mal pour une casanière comme moi !

En attendant, je profite pleinement du calme de ma petite commune de Lubac pour vous répondre. Nombreux de ses habitants l’ont désertée (surtout mes voisins) pour les plages ou la montagne comme vous… Je le suppose, puisque vous ne m’en avez rien dit !

En réalité, je vous envie. Je suis incapable de partir ainsi au pied levé. J’ai besoin d’organisation et de certitudes. Je ne suis pas une aventurière dans l’âme et mon entourage me ressemble. Je vis la plupart du temps dans les désirs, avec l’avantage de ne pas avoir à les réaliser.

M’immobiliser, contempler, me laisser porter par le temps et attendre une destinée qui ne se joue que dans les plus beaux rêves, voilà mon idéal. Mon mari me reprochait souvent mon manque de hardiesse, ainsi que ma mélancolie tenace.

Je me cachais par facilité derrière lui.

On croit connaître les gens, même les plus intimes, et il n’en est pas toujours le cas. Jamais il ne m’aurait crue capable de déposer une annonce ou de partir seule en voyage. Eh bien, cela est chose faite pour l’affiche et presque pour le voyage.

Je crois qu’il n’a jamais cherché à savoir qui j’étais vraiment. Notre amour était simple et sans heurts. Ce n’était déjà pas si mal. Il faut savoir apprécier les gens pour ce qu’ils sont et non pas pour ce que nous aimerions qu’ils soient, me disait ma mère. Heureusement que j’ai toujours eu une grande capacité d’adaptation !

La retraite et son décès (je peux bien vous l’avouer) m’ont enfin donné l’occasion unique d’être moi. Après le deuil, j’ai voulu en finir avec la comédie sociale. Je ne voulais plus jouer, faire semblant et m’acquitter des convenances, d’où la diffusion de l’annonce à la médiathèque.

Malgré les peurs et les hésitations tenaces, c’était la première fois que je bravais mon éternel manque d’audace. J’étais donc pleinement heureuse d’avoir reçu votre lettre et celle de Becky. Malheureusement, cette satanée annonce a coûté un blâme à Karine. Comme je m’en veux !

La semaine dernière, je vous faisais part de ma déception de sa disparition du tableau. Il n’en est plus rien. Karine m’en a appris la raison et elle en a été la première victime.

Sa hiérarchie lui a imposé de la retirer afin de préserver l’image de sérieux et d’intégrité de la médiathèque. Depuis mes nuits ne sont plus aussi douces.

Je me répète que j’ai agi comme une idiote.

Vous comprenez mieux mon manque d’humour du jour et mon envie de changer d’air ! Je pense que je vais vivre comme une recluse jusqu’à mon départ.

J’ai pris la décision de quitter le club de lecture de la médiathèque. Dorénavant, ne m’y cherchez pas, surtout un mercredi après-midi, vous ne m’y trouverez plus. Et pas besoin d’une enquête approfondie pour savoir d’où vient le mal.

Je suis tellement gênée vis-à-vis de Karine, que pour me faire pardonner, je l’ai invitée dimanche midi à partager mes fruits et légumes de jardin, pendant que vous serez toujours à crapahuter dans vos montagnes.

Et c’est d’ailleurs de mon jardin inondé de soleil et non de pluie que je vous écris toujours depuis une bonne demi-heure maintenant. Comme le temps passe vite avec vous !

Je lève les yeux un instant, histoire de reprendre mon souffle ou plutôt de dégourdir ma main. Je constate impuissante le triste sort de ma pelouse. La sécheresse la malmène et les restrictions d’eau m’empêchent de raviver ses couleurs.

Seuls mes fruits et légumes s’accommodent de ce temps et encore… Mes framboises en souffrent et sont ridiculement petites. Les mûres sont rabougries et envahies de mouches. La menthe et la verveine sont tachetées de toutes parts et parsemées de brèches. Seules les tomates rougissent à volonté.

J’observe tout ce petit monde végétal et en profite pleinement pendant qu’il en est encore temps, car votre miss météo a annoncé le retour de la pluie pour la semaine prochaine.

J’espère qu’elle (la pluie et non la miss météo) n’entravera pas vos projets, si elle vient à vous accompagner également.

En ce qui concerne le sureau, sachez que j’en suis encerclée ! Alors, je vous envoie toute ma reconnaissance pour votre recette. Avec les dernières péripéties, je n’ai pas encore eu le temps de la tester. Mais je prévois de m’y mettre la semaine prochaine lorsque la pluie m’empêchera de mettre un pied dehors. Le sureau, lui aussi, souffre de la chaleur, il va vite falloir que je fasse ma récolte.

Il y a quelques années, j’avais tenté un gâteau au sureau. Mon Paul avait failli s’en étouffer et m’avait fait promettre de ne jamais recommencer ! Il parait que les gelées et les marmelades sont exquises. Cependant, après cette malencontreuse première expérience de gâteau, je n’ai jamais osé m’y mettre.

Pour finir, je vais répondre à vos questions, même si vous n’avez pas répondu aux miennes. (Connaissez-vous Lubac, sa comtesse et ses jolis sentiers ? Que pensez-vous de mes quelques gestes écologiques bien dérisoires à l’échelle de la planète ? Avez-vous lu « P’tit Claude » ?). Rassurez-vous, je ne vous en tiens pas rigueur.

Donc, voici mes réponses :

Non, je n’ai pas d’enfant.

Un regret ? Oui, avant, pendant les tentatives infructueuses. Désormais, je pense que le destin a bien fait les choses. Je n’aurais pas aimé le ou les laisser dans ce monde d’incertitudes et de violence.

Je suis plutôt sceptique quant à la nature humaine. Combien d’Yvonne agissent en toute impunité ? Il suffirait de les éviter, me direz-vous, mais le peut-on toujours ?

Comme il suffirait de voir le monde d’un autre œil. L’éternelle histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. Je vous assure que je tente pourtant de m’y employer chaque jour.

Je vous embrasse, mon cher Claude, avec la distance qu’il se doit et avec toute mon amitié, puisque c’est vers cela que nous nous dirigeons, me semble-t-il.

Constance

Ps : Merci pour les auteurs japonais. J’ai acheté (chez Odette bien sûr) Haruki Murakami pour commencer.

 

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