Les Mourin

Qui ne connaît pas Hubert et Yvonne Mourin, porte-étendards de la médiathèque de Palinier ?

Facile, me direz-vous, toute personne en dehors du microcosme culturel de la ville.

Ceux, qui ne se rendent pas à la médiathèque, qui ne s’intéressent pas aux mondanités locales, qui n’ont aucune affinité avec la culture en général et les livres en particulier, ceux qui aiment la culture avec un grand C, mais sans l’étaler et surtout ceux qui détestent les cancans.

Parce que voyez-vous les Mourin, c’est un peu le joyeux ragot local, des personnalités hautes en couleur, omniprésentes, voire même omnipotentes.

Hubert et Yvonne Mourin, têtes d’affiche de la médiathèque ont façonné l’histoire et les sorties culturelles de la ville de Palinier pendant plus de 40 ans.

Hubert, au look de gentleman-farmer (sans terres, mais avec des rayonnages à foison) a régné sans partage (et pourtant bien accompagné) sur son domaine : la médiathèque.

Bibliophile acharné, il a fait de sa passion son métier, à une exception près, qu’aucun de ses trésors de guerre ne lui appartient.

Ambitieux, carriériste (diront les plus jaloux), grandiloquent juste ce qu’il faut, il a su placer ses billes (pour ne pas dire autre chose) au bon endroit et au bon moment toute sa vie professionnelle durant.

Entré par la petite porte, mais ressorti par la grande à la retraite venue, il a su s’imposer coûte que coûte.

Bien qu’il s’en défende, il doit une grande partie de ses connaissances et… de ses promotions à une femme, la première de sa vie après sa mère, l’érudite Odette.

Pendant vingt ans, Odette s’est donnée corps et âme pour ce svelte moustachu autodidacte, à l’image d’un de ces héros sortis tout droit de ces best-sellers à la vente dans sa librairie brinquebalante. Alors qu’elle se démenait comme un diable pour la faire vivre, même plutôt survivre face à la concurrence acharnée et déloyale de la bibliothèque d’alors, des centres commerciaux, autres Cultura et Fnac… puis du mercenaire Amazon, quelques années plus tard, Hubert gravissait les échelons dans la fonction territoriale à laquelle il était rattaché.

Avant que tout ne déraille, le couple coulait des jours heureux (en apparence) se nourrissant d’amour, d’eau fraîche et de livres… quand patatras… la crise de la quarantaine s’est fracassée sur leur foyer.

Hubert, impénitent séducteur (jusqu’alors davantage dans le verbe que dans l’action) n’a pas cherché à résister aux assauts de sa troublante et affriolante collègue Yvonne, dite l’ensorceleuse.

Yvonne, quant à elle, femme jusqu’au bout des ongles, tirée à quatre épingles, et aux atouts physiques non négligeables n’a fait qu’une bouchée de son alter ego.

Grâce à ses ambitions dévorantes, elle a obtenu ce que toute femme de…, à la faveur d’un mari, d’un nom, d’un héritage peut obtenir.

Dans l’ombre d’abord, puis à la lumière, elle lui est devenue indispensable. Elle a assurément tissé sa toile et pénétré à la faveur de ses chairs les arcanes du pouvoir.

Ne brillant pas par sa discrétion, elle est très vite devenue la cible des quolibets, mais, qu’importe tant qu’on a l’ivresse… de l’influence et du commandement.

Sauf que tout à une fin (ma p’tite Dame) et qu’avec l’âge, elle a un peu perdu de sa superbe la Yvonne. Mais en attendant, elle officie toujours dans les couloirs, semant ses réflexions acerbes de-ci de-là à quiconque chercherait encore à contrecarrer ses projets.

Plus jeune qu’Hubert, elle doit au grand dam des survivants encore quelques années à la médiathèque avant de tirer sa révérence.

Maintenant vous ne pourrez plus dire que vous n’en avez jamais entendu parler…

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